Qu’est-ce une source ?
Une source est très rarement l’eau qui jaillit telle que
l’on se la présente souvent. Parfois un mince filet
d’eau coule d’un point précis dans le puits. Mais la
plupart du temps, il s’agit d’un suintement le long de la
paroi du puits sur un diamètre variant de quelques
centimètres à 1 mètre.
Tout d’abord, une source
est un petit courant d’eau souterrain indéfini sauf quand
la couche de terrain sur laquelle elle court affleure. Dans ce cas
assez rare, la source jaillit à l’air libre, ce qui arrive
surtout dans les terrains accidentés.
Le tracé des
sources n’est pas celui qu’on attendrait, c’est
à dire un serpentement comme serpente de l’eau qui
ruisselle en surface, mais bien au contraire ce tracé est
rigoureusement géométrique. En effet, les sources sont
orientées Nord-Sud et Est-Ouest. Le sol est ainsi
quadrillé horizontalement de sources distantes entre elles de 4
à 12m dans nos régions (j’ai mesuré 110m sur
les plateaux marocains). Mais ce quadrillage se répète
quand on s’enfonce dans le sol. Ainsi sous chaque source,
il existe une autre source plus profonde qui est rigoureusement dans le
même plan vertical et sous cette nouvelle source une autre source
et ainsi de suite.
Le meilleur lieu
pour creuser un puits est donc le « croisement » de deux
sources Nord-Sud et Est-Ouest. Le débit sera le double environ
et si une source est coupée par un voisin, il restera la
2ème source. Les sourciers actuels recherchent les croisements,
mais autrefois nos fontaines étaient creusées sur
l’emplacement d’une seule source. Avec mon père,
nous n’avons recherché ces croisements que depuis les
années 1960. Les anciens sourciers
s’avançaient sur le terrain sans tenir compte de ces
tracés des sources et dès que leur instrument tournait,
ils indiquaient le lieu à creuser.
Les sources suivent
naturellement les couches de terrain, ce qui explique que parfois une
source peut être à 10m de profondeur dans le bas
d’un champ et à 7m dans le haut de celui-ci. Les argiles
et les roches dures comme le granit sont considérés comme
les plus imperméables. Donc dans ce type de terrain, il est
impératif de creuser exactement sur la source. Dans un terrain
sablonneux, un puits creusé à 1 ou 2 mètres de la
source se remplira sans problème.
J’ai
parlé en introduction de mon père qui avait appris
à trouver les sources en 1949. Ayant besoin d’eau pour ses
légumes (c’était un petit maraîcher), il
avait trouvé lui-même une source sur son terrain et avait
creusé un trou. Cette recherche avait été
concluante, mais de là à aller trouver des sources
chez les autres, c’est un pas qu’il n’avait pas
osé franchir.
Il arriva donc qu’un dimanche
après la messe, mon père se trouvait au café du
village comme d’habitude. Il entendit le menuisier se plaindre de
son puits qu’il avait fait creuser dans la semaine et qui restait
à sec bien qu’il fasse 7m. Un sourcier professionnel
était venu, avait dit de creuser là, avait fait payer une
somme importante et était reparti rapidement.
Mon père
entendant cela se propose donc d’aller voir, ce qui est fait
immédiatement. J’accompagne mon père et
après avoir choisi une baguette nous recherchons donc la
source que nous trouvons à 50cm du puits. Que faire ? Mon
père conseille au menuisier de descendre dans le puits et de
donner quelques coups de pioche à la profondeur indiquée
dans la direction de la source afin de couper celle-ci. A
l’époque on ne travaillait pas le dimanche. Le menuisier
descendit dans son puits le lundi de bonne heure et donna les quelques
coups de pioche. Le mardi matin il y avait 5m d’eau dans le
puits. De ce jour, mon père est devenu « Le Sourcier qui
était meilleur qu’un sourcier professionnel ». Ainsi
sa vie de sourcier a commencé et la mienne en même temps.
J’ai eu plus
tard une expérience similaire. J’étais en
coopération au Maroc. Un parent d’élève
ayant appris que j’étais sourcier me fit venir chez lui.
Il avait 400 hectares de culture maraîchère et avait
naturellement besoin de beaucoup d’eau. Il avait fait creuser par
ses employés 7 ou 8 puits. Ces puits avaient été
creusés à la main, ils atteignaient environ 50m. Il avait
fallu 6 mois pour les creuser, la main-d’œuvre étant
bon marché là-bas. Ces puits avaient été
creusés n’importe où et par malchance aucun de ces
puits n’était sur une source, ce qui faisait qu’ils
étaient à sec. Je cherchais donc les sources les plus
proches et lui conseillais de faire de petits tunnels pour rejoindre
les sources. Ce qu’il fit.
Pour revenir à nos couches de
terrain, 50cm d’argile suffisent donc à arrêter
l’eau. C’est pourquoi j’impose aux personnes chez qui
je vais trouver des sources de marquer l’emplacement exact avec
un piquet bien enfoncé qui ne dépasse que très peu
de la surface. Il a ainsi peu de chances d’être
enlevé.
Les sources ont
donc un tracé rectiligne. Il arrive qu’un puits soit
difficile à creuser car le sous-sol est rocheux. Le puisatier
utilise alors des mines pour faire sauter ces roches. Ces explosions
cassent la roche et quelquefois la source est détournée.
Souvent, des gens nous ont appelés pour nous dire que le puits
était creusé à la bonne profondeur, mais
qu’il n’y avait pas d’eau. Nous avons soulagé
ces personnes en leur disant d’attendre quelques jours à
trois semaines. En effet, la source reprend toujours son cours originel.
Pourquoi donc les sources «
veulent-elles » garder leur direction ? Il n’y a pas
d’explication scientifique. Mais on ne peut
s’empêcher de penser aux rayons d’Hartmann et Curry.
Ces deux physiciens allemands ont démontré que le globe
terrestre était coupé de rayons verticaux aux plans
semblables à des tranches d’orange. Ces rayons
influencent-t-ils le tracé des sources ? J’ai lu dans mon
journal local que les alignements de Carnac étaient
situés et sur des rayons d’Hartmann et de Curry et sur des
sources. En ce qui concerne les sources, je n’ai pas
vérifié.
Ainsi les sources
parcourent de grandes distances. Longtemps on s’est
demandé d’où venait l’eau qui jaillissait sur
un sommet des îles Canaries. Il semble que l’on est
trouvé la réponse. Cette eau viendrait du Haut Atlas
marocain et passerait donc sous l’océan.
Cet exemple nous amène à
parler des puits artésiens, du moins ce qu’ils
étaient, car maintenant les forages faits à très
grande profondeur sont souvent appelés puits artésiens.
Une source suit donc une couche de terrain. Il arrive que la couche de
terrain partie d’une colline passe dans une vallée et
remonte sur les flancs d’une autre colline. Nous avons un effet
de vase communicant. Si nous creusons un puits dans la vallée,
le niveau de l’eau va monter car la source est plus haute dans
les collines. Il arrive que l’eau déborde du puits; on
appelle alors ce puits : puits artésien. Je connais des puits
creusés ainsi auxquels il a fallu monter un mur sur la surface
du sol et dans lesquels l’eau est à un niveau plus haut
que le niveau du sol environnant.
Celui qui a un tel
puits est bien chanceux quoique il a fallu tout de même creuser
pour couper la source. En général, il faut creuser de 2
à 25m dans nos régions. Au Maroc, j’ai
trouvé des sources à plus de
100m.